Je vous ai parlé précédemment des avantages et inconvénients des haches, hachettes et gros couteaux pour préparer du bois. Je reviens aujourd’hui sur la méthode du bâtonnage, que vous pourrez utiliser avec votre couteau. Elle est sûre et fiable efficace, à partir du moment où on en maîtrise une fois que vous en maîtrisez les règles de base. Avec cette technique et un couteau de construction approprié, vous serez rapides et efficaces.
Ça désigne quoi le bâtonnage ?
C’est la technique qui consiste à frapper sur le dos de la lame d’un couteau avec un bâton (d’où le nom), pour fendre du bois.
On va l’utiliser principalement pour préparer du petit bois. Elle permet de fendre des rondins pour exposer le cœur du bois, qui est généralement plus sec que l’extérieur, ce qui est très utile par temps humide.
Quel matériel pour commencer ?
Un couteau pour entailler
Le minimum vital pour appliquer cette technique est bien évidemment…un couteau !
La règle ici est la suivante : plus le couteau est gros, plus vous pourrez attaquer des rondins de gros diamètres et plus vous pourrez taper fort.
À un extrême, il est possible de bâtonner avec un couteau de poche (type couteau suisse), mais ça demande des précautions (j’en reparle plus bas) et on est vite limité sur la taille des rondins et branches à fendre. À l’autre extrême on peut bâtonner avec un très gros couteau, voir sur le dos d’une hachette, pour fendre des pièces de plus de 10 cm de diamètre.
L’usage d’un couteau à lame fixe est quand même recommandé. Vu l’énergie que l’on met à chaque coup de bâton, vous aurez bien plus de contrôle en pouvant tenir fermement la poignée, et vous redouterez moins de casser votre couteau. De même, une lame d’une certaine épaisseur contribuera à la résistance du couteau. Comptez au moins 3 mm pour être sûr.
Un bâton pour marteler
Vous devrez trouver un « gourdin » de taille et de diamètre adéquat pour délivrer suffisamment de force à chaque coup. Une branche de 50 à 60 cm de long et de 4 à 5 cm de diamètre est idéale. Une branche plus longue serait peu maniable, un diamètre plus gros serait trop lourd, plus petit et plus fin, votre bâton manquerait de puissance.
On cherchera aussi du bois frais, ou tout au moins pas pourri ! Une branche de bois sec d’une essence dense fera aussi l’affaire.
Si vous montez un camp dans les bois et que vous pensez devoir bâtonner abondamment, vous pouvez façonner un maillet assez facilement avec une scie. Vu la répartition de la masse, vous serez plus efficace qu’avec un simple bâton.
Une surface à peu près plane pour s’appuyer
L’idéal est bien entendu d’avoir un plot à fendre. Une souche coupée à la tronçonneuse fait aussi l’affaire.
Si vous êtes loin de la civilisation et que la forêt n’est pas entretenue par des bûcherons, il sera difficile de trouver l’un ou l’autre. Vous vous rabattrez alors sur un tronc couché ou une grosse branche.
Si vous êtes expert dans cette technique et que vous maîtrisez parfaitement vos gestes, vous pourrez même vous permettre de travailler sur un rocher ou une grosse pierre. Évidemment, si vous vous ratez, la lame de votre couteau ira percuter la pierre provoquant des dommages sur le fil de la lame !
Du bois à fendre pour préparer un feu
Et bien évidemment, il vous faudra du bois à fendre. Idéalement, vous trouverez des branches sèches de 4 à 6 cm de diamètre, que vous scierez en rondins de la longueur appropriée au type de feu que vous voulez construire. Le fait de les scier proprement vous permettra de les poser bien à l’équerre sur votre surface d’appui.
Si vous n’avez pas de scie et que vous devez casser votre branche à la main, l’opération de bâtonnage reste possible mais plus délicate, car l’extrémité du rondin posée sur votre surface d’appui aura plus facilement tendance à glisser lorsque vous bâtonnerez.
Naturellement vous devrez adapter le diamètre des branches à fendre à la taille de votre couteau. Avec mon ESEE Izula dont la lame fait 7 cm de long, je me contente de branches d’un diamètre maximum de 3 à 4 cm. Avec le gros Camp Tramp et un bon gourdin, j’ai déjà pu fendre du bois de plus de 10 cm de diamètre (s’il est bien sec et que le fil du bois est droit).
Les nœuds dans le bois peuvent être problématiques avec une petite lame. Si vous restez coincé dans un nœud, retirez votre couteau et essayez depuis l’autre côté du rondin.
La bonne technique
Je vous décris ici la technique en 5 étapes. Je tiens le couteau de la main droite et bâtonne de la gauche.
- Avec la main droite, je tiens le morceau de bois à fendre verticalement sur la surface d’appui
- Je viens appuyer la lame de mon couteau (qui est dans ma main droite) sur la tranche du morceau à fendre. J’ajuste la position de la lame afin de viser les faiblesses du bois, m’aligner aux veines, ou pour choisir la taille des morceaux débités. Le morceau est calé par le couteau, ma main droite est maintenant libre et je saisis le gourdin.
- Je tapote ensuite doucement avec le gourdin sur le dos de la lame pour amorcer l’entrée du couteau dans le bois. Pour l’instant, je peux taper à la verticale du morceau à fendre car j’ai encore tout le dos de la lame à disposition.
- Dès que la lame a pénétré de toute sa hauteur dans le bois, je dois alors taper sur la partie de la lame dépassant à l’avant, entre la pointe du couteau et le morceau de bois. À ce stade je peux employer toute ma force.
- Quand la lame a pénétré suffisamment profond dans le morceau de bois, celui-ci va généralement se fendre tout seul. S’il est bien sec et bien cassant, je donne un petit mouvement de torsion du poignet de la main droite et la lame du couteau écarte les deux morceaux puis les sépare.
Les variantes
Contre un arbre
Si vous n’avez vraiment pas trouvé de surface plane et dure, vous pouvez procéder au bâtonnage debout contre un arbre.
Avec une hachette
Cette technique s’applique aussi avec une hachette.
À la main
Sur des morceaux de bois suffisamment fins, vous pouvez tapoter sur le dos de la lame avec la paume de votre main, en vous passant du gourdin. Vous aurez ainsi un maximum de maîtrise en évitant de taper trop fort. Veillez toutefois à ne pas vous planter la pointe du couteau dans la main !
Avec un couteau suisse (ou tout type de couteau pliant)
Afin d’éviter de forcer sur le mécanisme de fermeture et le ressort de la lame, il faudra travailler avec la lame ouverte à 90° pour bâtonner avec un couteau suisse ou un couteau pliant. Vous éviterez ainsi de tout casser !
Felix Immler, le dieu du couteau suisse, vous explique tout ça bien mieux que moi sur sa chaîne YouTube : il te suffit de taper Felix Immler Tips & Tricks dans la barre de recherche.
Pourquoi j’aime cette technique ?
Une fois qu’on la maîtrise, cette technique est efficace, sûre et modulable. C’est pour ça que je l’apprécie. Elle est efficace parce qu’elle permet un excellent contrôle sur la taille du bois produit (demi-branches, quart de branches, fines lamelles…). Ainsi, elle vous permet d’accéder rapidement à du petit bois sec.
Elle est sûre parce que vous avez une main sur le manche du couteau et l’autre sur le gourdin, donc aucun doigt à proximité de la lame ! Elle assure un bon contrôle sur l’énergie mise dans le mouvement puisque vous pouvez à tout moment éloigner la lame de vous si vous sentez que ça dérape.
Elle est flexible parce que vous pouvez aussi l’utiliser (avec quelques contraintes toutefois), avec des tout petits couteaux, même pliants.
Allez dehors et essayez !
Sylvestre Grünwald