Amis randonneurs, amis prévoyants, nous allons voir ensemble dans ce dossier du mois quelques petits désagréments ou véritables problèmes pouvant aisément se rencontrer lors d’une expédition entre amis en forêt, en montagne … ou partout en cas d’écroulement du système.
Le but ici n’est pas de faire de vous des médecins aguerris mais de vous permettre de gérer à minima des situations d’urgence en outdoor.
Etant médecin dans un service d’urgence et passionné par l’autonomie, je me suis vite rendu compte du manque de connaissances et de préparation de la population sur des sujets aussi essentiels et communs qu’une morsure de chien par exemple.
Vous vous rendrez vite compte que l’anticipation en amont est essentielle dans le domaine de la santé et que le matériel à emporter avec soi est relativement limité (du savon et un désinfectant).
Avertissement
Je tiens, avant de rentrer dans le vif de ce dossier du mois, vous rappeler que l’ensemble des informations fournies ici ne se substitue aucunement à un médecin et que tant que vous pouvez consulter, faites-le !
1. Morsures de mammifères
De la morsure du chien errant à la morsure du zombie fraichement infecté, voilà un thème absolument essentiel à connaitre quand on part en randonnée ou quand on espère survivre à une situation dégradée à une guerre nucléaire.
Que quoi parle-t-on ?
Les mammifères sont une classe d’animaux vertébrés comportant 6 495 espèces. Les chiens, les chats, les renards, les loups, les putois, les chauves-souris, les rats et les hommes sont globalement les mammifères que l’on retrouvera le plus fréquemment (en France) quand on parle morsure.
Le principal danger d’une morsure de mammifère
On va rentrer tout de suite dans le cœur du sujet : la rage.
C’est de loin et sans commune mesure le plus grand danger d’une morsure de mammifère.
La rage est une maladie due à un virus qui attaque le cerveau. Une fois les premiers symptômes déclarés quelques semaines après la morsure (confusion, anxiété, troubles du comportement), la maladie est mortelle dans 100 % des cas. Il n’existe pas de traitement quand la maladie circule déjà dans le corps.
Mais rassurez-vous :
- La France est officiellement indemne de rage depuis 2001 (mais des cas rapportés provenant d’animaux importés illégalement) ;
- Une vaccination existe (rappel tous les 5 ans, mais semble efficace pour 10 ans) ;
- Un traitement existe juste après la morsure (avant que la maladie ne se déclare).
Donc pour les aventuriers en territoire étranger, la documentation sur le risque de rage local est impératif et la vaccination antirabique (c’est le nom de la vaccination contre la rage) sérieusement réfléchie.
Une fois cela posé, ne paniquez pas non plus si le petit chihuahua de la voisine venait à vous mordre ! C’est le caractère inhabituel du comportement d’un animal qui doit vous alerter et faire examiner l’animal par un vétérinaire en urgence pour y rechercher les signes de rage.

Les autres dangers
Le tétanos :
Inhérent à toute blessure. Le tétanos se traite en amont par la vaccination ou par un traitement lourd si la maladie se déclare.
Parenthèse vaccination
Je sais que la vaccination anti-covid a pu faire beaucoup de mal psychologiquement parlant à certains (avec notamment la restriction des libertés en fonction de son fameux « statut vaccinal »). On a assisté à une véritable scission de la population sur ce sujet qui est à la base scientifique : pour ou contre la vaccination anti-covid.
Je ne rentrerais absolument pas dans ce débat qui peut nous sembler loin aujourd’hui mais je veux simplement souligner qu’il ne faut pas confondre vaccination et vaccination anti-covid.
Les vaccinations contre la variole, le tétanos, la diphtérie, la poliomyélite, la rage, etc… ont littéralement modifié l’histoire de l’humanité en diminuant le risque de décès (notamment infantile) et d’handicap de manière extraordinaire.
Chacun est relativement libre de ses choix, mais en tant que médecin et plus particulièrement en tant que scientifique, je vous déconseille vivement de jouer avec ces différentes maladies.
Est-ce qu’il existe des risques avec ces vaccins : oui.
Est-ce que les risques de ces maladies sont statistiquement supérieurs aux risques de ces vaccins : oui.
Toute la médecine est question de cette fameuse balance bénéfice/risque : est-ce certaines chimiothérapies peuvent être mortelles : oui possiblement.
Est-ce que les cancers qu’elles tentent de soigner vous tueront à coup sûr : oui.
Possiblement vs sûr : à vous de choisir.
L’infection bactérienne :
La bouche d’un mammifère (vous compris, non surtout vous) est un hôtel 5 étoiles pour les bactéries, ça pullule de partout (avec ou sans brossage). Ces bactéries sont nécessaires en partie pour la digestion alimentaire.
Toute morsure donnera lieu à une infection locale avec formation d’abcès puis infection générale puis la mort !
Calmez-vous, nous verrons plus avant comment rédiger votre testament ou comment vous soigner (au choix).
Les dégâts mécaniques :
En fonction de la localisation de la morsure, il y aura plus ou moins de dégâts locaux, une morsure à la cuisse n’aura pas les mêmes conséquences mécaniques qu’une morsure à l’œil ou aux doigts.
Retenez qu’une morsure c’est comme un iceberg : on peut voir un simple petit croc en surface mais à l’intérieur c’est un carnage.
Ce qu’il faut faire et les traitements
- Il ne faut pas se faire mordre, je pense que tout le monde est d’accord avec cette notion assez simple ;
- Il faut acheter des armes, beaucoup d’armes, trop d’armes.
Plus sérieusement, tout dépendra du contexte de la morsure : en France parce que vous avez pénétré sur une propriété privée où se trouvait un chien de garde vs une attaque spontanée par un chien errant dans un bidonville d’Asie.
Une morsure se gère en deux temps :
- En amont avec les vaccinations contre la rage (antirabique) et contre le tétanos (antitétanique).
- En aval avec un lavage à l’eau savonneuse de la plaie et une désinfection par de la Biseptine par exemple.
À ce stade, vous avez fait tout ce que vous devez faire si ce n’est prendre les contacts du propriétaire de l’animal (si possible, pour l’assurance et s’assurer de la consultation chez le vétérinaire avec rédaction d’un certificat d’absence de signe de rage).
La suite sera faite par un médecin avec évaluation des lésions (🡪 prise en charge chirurgicale nécessaire ?), prescription d’antibiotiques.
Concernant la suture en cas de morsure : il ne faut généralement pas suturer car il faut laisser la possibilité au pus de s’écouler librement en dehors de la plaie.
Devant une morsure de mammifère, on ne panique pas ! On a du temps, ce n’est pas un serpent (belle transition vers la suite de l’article).
2. Les morsures de serpents de France
Le but n’est pas de faire de vous des herpétologistes (spécialistes des reptiles) mais de vous donner des repères simples pour savoir réagir face à une morsure de serpent.
Quels serpents ?
Retenez qu’en France métropolitaine, vous pourrez être confronté à deux espèces de serpents : les couleuvres et les vipères.
Les couleuvres sont non venimeuses tandis que les vipères si.
Les deux caractéristiques les plus simples à mon sens pour différencier l’une de l’autre sont :
La forme de la pupille : ronde pour les couleuvres et en fente pour les vipères.

- L’aspect de la morsure (au cas où notre cher reptile serait parti avant de faire un selfie) : arc de cercle pour la couleuvre (comme une morsure d’homme en miniature) et juste deux trous pour la vipère.
Malgré cela, si vous n’arrivez pas à faire la différence (dans la panique c’est compréhensible) pas d’affolement !
Morsure avec ou sans venin ?
Une morsure de serpent qui ne fait pas mal est une morsure sans venin, on parle de morsure sèche.
50 % des morsures de vipères sont sèches, donc la probabilité de tomber sur une vipère (et pas une couleuvre) et d’avoir une morsure avec venin se révèle assez faible : pas de stress !
Une morsure qui fait immédiatement mal avec une douleur intense et rapidement suivie d’un œdème à l’endroit de la morsure (moins de 6 heures), c’est qu’il y a du venin ! Là encore, pas de panique !
Que faire en cas de morsure avec envenimation ?
C’est simple, vous retirez immédiatement les bijoux et les vêtements serrés au niveau du membre mordu. Puis vous lavez avec du savon à l’endroit de la morsure et vous désinfectez avec un antiseptique type Biseptine/bétadine.
Une fois cela exécutée, vous allez consulter un médecin, aussi simple que ça.
Ce qu’il ne faut pas faire :
- Faire de garrot ;
- Inciser ;
- Cautériser ;
- Utiliser un « aspi-venin » (ça ne sert absolument à rien hormis vous faire perdre de l’argent et du temps).
On n’oublie pas encore une fois qu’une plaie signifie potentiellement tétanos (vaccination en amont…).
Concernant l’antidote, il est miraculeusement efficace si administré dans les 24 heures mais vous ne pourrez pas vous en procurer (et tant mieux). En effet, il a une date de péremption de quelques mois après sa fabrication et il coûte cher (très cher) donc rares sont les hôpitaux qui en ont (un à deux hôpitaux par région au plus). Son utilisation est limitée à des cas très précis qui sont discutés entre toxicologue, urgentiste et réanimateur.
Je ne rentre pas ici davantage dans les détails de la prise en charge médicale aux urgences, cela pourrait faire l’objet d’un prochain article.
3. Piqures de tiques
Là aussi, à l’instar de la vaccination anti-covid, les piqures de tiques avec la fameuse maladie de Lyme ont déchainé les passions pendant un temps.
Je ne rentrerais pas dans des détails sur la maladie de Lyme mais la seule chose à comprendre ici aujourd’hui c’est qu’il faut se calmer avec les piqures de tiques.
Vous êtes piqué par une tique, vous la retirez avec un tire-tique (en vente libre en pharmacie) et vous continuez votre vie. Vous ne tirez pas dessus d’un coup sec car le corps risque de partir sans la tête. Il faut tirer doucement vers le haut tout en tournant légèrement.

Si la tête reste en place, ce n’est pas grave, vous désinfectez matin et soir pendant quelques jours en surveillant la plaie.
Moins de 5 % des piqures de tiques sont infectantes et 80 % des infectantes ne donneront pas de maladies, donc on se détend sur ce sujet passionnel.
La seule chose à faire hormis l’ablation de la tique et la désinfection locale est de surveiller pendant quelques semaines l’apparition d’un érythème migrant au site de morsure

Si apparition de cette tâche, vous consultez un médecin sans panique.
4. Les champignons
Alors ici je vais être très bref ! Ce n’est pas le thème stricto sensu de ce dossier du mois, mais non recevons bien trop souvent des patients aux urgences pour intoxication aux champignons.
Je ne suis pas du tout mycologue, et certains parmi vous qui lisent cet article sont bien plus calés que moi sur le sujet.
En revanche, je pense être davantage informé sur les ravages corporels que peut entraîner la consommation de certains champignons.
Donc deux règles simples :
- On meurt plus facilement par des champignons que de faim ;
- Si des symptômes apparaissent avant 6 heures après la consommation, vous vous en sortirez probablement ; après 6 heures c’est une catastrophe ! (Il existe de très nombreux symptômes différents en fonction des champignons, donc toutes anomalie/bizarrerie après consommation doit être imputée aux champignons jusqu’à preuve du contraire).
Pour vous donner une petite idée, si vous consommer des fameux amanites phalloïdes, même avec une prise en charge en réanimation spécialisée en toxicologie et avec une greffe hépatique (greffe de foie), 1 patient sur 5 meurt (je vous laisse imaginer le pourcentage si absence de prise en charge médicale).

J’en termine avec le sujet des champignons mais sachez que les faire cuire ou bouillir ne retire absolument pas leur pouvoir toxique. Réfléchissez sérieusement avant d’en consommer en forêt, vouloir jouer les chasseurs-cueilleurs c’est marrant, ça l’est beaucoup moins quand on perd son foie.
Conclusion
Même si de nombreuses menaces quand on est en excursion, la plupart peuvent être évitées et bien gérées par une bonne préparation et anticipation.
À nouveau, j’insiste sur le fait que cet article ne remplace pas une consultation médicale, mais il vous permet d’envisager plus sereinement vos balades et sorties estivales en pleine nature et de vous enseigner les bons réflexes et attitudes à adopter en cas de pépin.
Bonnes sorties à toutes et tous et soyez prudents !
Wael