J’ai un grand respect pour le bon sens paysan.
Il faut que je te raconte une anecdote, elle est révélatrice de l’importance d’être résilient.
Il y a quelques jours, en sortant de chez moi, je me suis retrouvé bloqué sur la route pendant que mon voisin Olivier sortait ses vaches.
On en a profité pour discuter un peu.
Il s’est excusé pour sa vache qui s’était échappée et était venue visiter mon jardin pendant mes vacances.
Heureusement, ma caméra de surveillance l’a détectée avant qu’elle ne fasse trop de dégâts 🙂
Puis je lui ai demandé comment il gérait la sécheresse de cet été.
Même à 1200 m d’altitude c’est catastrophique, tout est grillé.
Voici la réponse de mon voisin paysan
“Je suis dégoûté, j’ai jamais vu ça…
Je me lève à 4h du matin, je bosse les week-ends et j’ai à peine de quoi nourrir mes vaches.
La semaine dernière, j’ai même dû leur donner du foin que j’ai récolté au début de l’été et que je gardais pour cet hiver.
C’est vraiment n’importe quoi…”
Je lui ai ensuite demandé si ça irait pour cet hiver.
“Ça va être compliqué… mais si on a de la pluie en fin d’été je pourrais faire un second fauchage et ça devrait passer.
Heureusement, je fais toujours attention à avoir plus de champs que je n’ai de vaches.
D’habitude je fauche plus de foin que ce que j’en consomme et j’en vends un peu à mes collègues.
Cette année, je serai déjà content si j’en ai assez pour moi.
Mais bon, je suis pas à plaindre… il y en a qui sont vraiment dans la merde…
J’ai un collègue qui a que des champs de pâturage, il achète son foin.
Il ne sait pas comment il va faire pour cet hiver.
S’il achète du foin à ce prix, il vendra son lait à perte…
Mais s’il n’achète pas, il ne pourra pas nourrir ses bêtes.
Il a déjà envoyé une partie de ses bêtes à l’abattoir, mais il n’est pas le seul à faire ça, du coup le prix de la viande a plongé.
Il ne dort plus de la nuit…”
Je lui ai demandé s’il allait recevoir des aides de l’État, la question l’a surpris.
“Je sais pas, sûrement.
Mais bon, je bosse pas pour recevoir des aides.
Si je voulais recevoir des aides de l’État, je serais fonctionnaire avec des horaires de bureau et je ne me casserais pas le cul à m’occuper de mes vaches.”
Si je te raconte cette discussion, ce n’est pas pour rien.
Les 5 points clefs de la résilience de mon voisin paysan
Cette décision illustre parfaitement ce qu’est la résilience et pourquoi il est vital de se préparer AVANT une rupture de la normalité.
Voici les 5 points clefs de la discussion qui peuvent sembler anecdotiques.
Mais qui, en cas de crise, changent tout.
1 – Une crise peut survenir n’importe quand
“Je suis dégoûté, j’ai jamais vu ça…”
Pour mon voisin, cette année c’est la sécheresse.
L’année dernière de violentes averses de grêle avaient couché son foin et détruit une partie de sa récolte.
Qui sait ce qui arrivera l’année prochaine ? Et celle d’après ?
Les crises sont presque impossibles à prévoir, je connais trop de personnes qui se perdent en conjonctures plus improbables les unes que les autres..
Mais il est vital d’être conscient qu’une rupture de ta normalité peut survenir n’importe quand.
2 – Les conséquences d’une crise peuvent te plonger dans une situation critique
“La semaine dernière, j’ai même dû leur donner du foin que j’ai récolté au début de l’été et que je gardais pour cet hiver.”
Mon voisin n’a pas le choix, la sécheresse a brûlé l’herbe de ses pâturages, ses vaches n’ont plus rien à manger, il doit donner du foin en plein milieu de l’été.
C’est grave, c’est avec ce foin qu’il doit nourrir ses vaches cet hiver.
S’il ne s’était pas préparé, c’est toute son exploitation qui aurait été en péril.
3 – C’est la préparation que tu as faite AVANT la crise qui peut te sauver
“Heureusement, je fais toujours attention à avoir plus de champs que je n’ai de vaches.
D’habitude je fauche plus de foin que ce que j’en consomme et j’en vends un peu à mes collègues.”
Dans ces deux phrases, il y a la définition du bon sens paysan.
Mon voisin sait que son exploitation est exposée aux crises, alors il adapte la taille de son troupeau à la superficie de ses champs.
Mais il ne cherche pas la rentabilité à tout prix en ayant le maximum de vaches possible, il en a légèrement moins pour être sûr de les nourrir en cas de problème.
Il s’est préparé, il subit une crise, mais il fait face.
4 – Si tu n’as rien préparé, tu cours droit à la catastrophe
“J’ai un collègue qui n’a que des champs de pâturage, il achète tout son foin.
Vu l’augmentation, il ne sait pas comment il va faire pour cet hiver.
S’il achète du foin à ce prix, il vendra son lait à perte.
Mais s’il n’en achète pas, il ne pourra pas nourrir ses bêtes.”
Pour être résilient, un système doit être équilibré.
En étant totalement dépendant de son approvisionnement en foin, le collègue de mon voisin a un système très déséquilibré et donc particulièrement vulnérable en cas de crise.
Quand tout va bien, il est peut-être plus rentable qu’une exploitation traditionnelle, mais en cas de problème, il risque de tout perdre.
5 – Ne compte pas sur l’aide des autres
“Je sais pas, sûrement.
Mais bon, je bosse pas pour recevoir des aides.”
Si tu pars du principe que les autres viendront t’aider en cas de problème tu deviens un assisté incapable de gérer la moindre crise.
Au lieu de remettre en question le fonctionnement de son exploitation, le collège d’Olivier est incité à continuer d’entretenir un système déséquilibré.
Je ne dis pas qu’on ne peut pas se faire aider, encore moins qu’il ne faut pas aider les autres.
Mais que c’est de la responsabilité de chacun de se préparer et de faire face aux crises qu’il rencontre.
J’ai un grand respect pour le bon sens paysan
J’adore discuter avec des paysans qui travaillent à l’ancienne.
Pour eux, être résilient n’est pas un choix, c’est une nécessité, une question de survie.
Souvent méprisés par les citadins, ils ont pourtant beaucoup à nous apprendre.
Prépare-toi !
Antoine,
Apprendre Préparer (Sur)vivre